Un dérapage incontrôlé du cerveau
Souvenir caché, désir secret ou représentation symbolique, le déjà vu n’a en tout cas plus rien à voir avec les dons paranormaux ou les vies antérieures, et la science du XXIè siècle va donner le coup de grâce aux dernières rêveries. Elle ramène, en effet, à la réalité qu’Aristote avait soupconnée : une histoire de cerveau qui dérape. L’étude de l’épilepsie – dont les crises sont parfois précédées d’épisodes de déjà vu – a permis aux neurologues de repérer le responsable de cette impression : un bref dysfonctionnement, dans une zone du cerveau limbique impliquée dans la mémoire autobiographique (face médiane du lobe temporal - cortex entorhinal, amygdale, hippocampe et gyrus parahippocampique). On sait le provoquer par stimulation électrique, et une étude menée à l’université de Leeds (Royaume-Uni) tente aujourd’hui de le produire par hypnose. Selon une autre explication, le déjà vu « normal » proviendrait d’un décalage, provoqué par la fatigue, le stress ou l’ivresse, dans le système neuronal chargé de distinguer, dans une scène, le connu du nouveau. Embrouillé, notre cerveau prendrait pour un souvenir les messages que les sens lui envoient au présent. (le cortex périrhinal) Le déjà vu n’est donc qu’une fausse impression, peut-être chargée d’un sens qui reste à découvrir, comme tout ce qui vient de l’inconscient. Faut-il pour autant renoncer à savourer cet étonnant instant ? « Même en sachant qu'il n'y a rien de surnaturel, répond le romancier Philippe Janeada, c'est enthousiasmant : le temps qui passe n'est pas aussi puissant, invincible qu'on le dit, puisqu'il semble que nous parvenions, pour quelques millièmes de secondes, à le prendre de vitesse. On se sent fort, on vibre un instant, on a la tête qui tourne et on revient dans la vie normale. Mais un instant, c'est toujours bon à prendre. » Un peu de magie, à dose homéopathique.
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